Il faut bien comprendre ce qu’est véritablement un chantier lorsqu’on l’assume seul. Du point de vue du travail et de la tension, cela correspond à peu près à la gestion simultanée d’un contrôle fiscal, de deux familles recomposées, de trois entreprise en redressement judiciaire et de quatre maîtresses slaves et thyroïdiennes.

Editions de l’Olivier, 2006
Editions Points, 2007
Présentation éditeur :
Avant d’hériter de la maison familiale, Paul Tanner menait une existence paisible. Mais depuis qu’il a décidé de la restaurer, rien ne va plus ! Maçons déments, couvreurs délinquants, électriciens fous, tous semblent s’être donné le mot pour lui rendre la vie impossible. Chronique d’un douloureux combat, galerie de portraits terriblement humains : le récit véridique d’un chantier infernal, coloré d’une bonne dose d’humour… noir.
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Paul Tanner a hérité d’une vieille maison. Après quelques moments d’hésitation, il accepte l’héritage et surtout il entame une restauration complète. Ce sont les étapes de ces travaux qu’il nous raconte. Les artisans choisis au petit bonheur la chance. Certains plus humains que professionnels, d’autres aussi bricoleurs du dimanche que toi et moi. Tous avec leurs caractères bien trempés, leurs manières de travailler. Autant te dire que rien ne se passera comme envisagé et que le budget et la durée des travaux vont être largement dépassés.
Un chantier est, par essence, constamment affamé.
De catastrophes en catastrophes, de mauvaises rencontres en mauvaises rencontres, cette rénovation s’apparente rapidement à une gigantesque blague. Les pseudo-artisans n’en font qu’à leur tête, autant des méthodes de travail, que du matériel utilisé. A certains moments, on se demande aussi qui est l’employeur et qui sont les ouvriers. Qui apprend le métier à l’autre ? Des couvreurs sans bâche suffisamment grande pour recouvrir le toit, des personnes qui viennent travailler quand cela les arrange, en amenant avec eux leur meute de chiens, un électricien qui ne sais plus très bien quel fusible ou interrupteur contrôle quoi… Le joli rêve de la belle maison rénovée devient vite un cauchemar, et Monsieur Tanner se retrouve à mettre la main à la pâte. Non, mais vraiment Vous plaisantez, Monsieur Tanner, vous n’allez pas non plus leur apprendre leur métier à ses artisans !
Ce n’étaient pas LEURS outils, mais les MIENS. MA scie circulaire, MA scie sauteuse, MA tronçonneuse électrique. Kantor et Sandre avaient pris l’habitude de tout m’emprunter sans rien me demander. C’était comme l’échelle et tout le reste. Ils étaient à eux deux une véritable force d’occupation. Il leur avait suffit de quelques semaines pour réquisitionner ma maison, mes outils, mes finances, une partie de ma vie, et faire de moi une sorte de collaborateur passif.
Mais si les péripéties s’enchaînent, plus ou moins malheureuses pour Paul Tanner, le ton employé par Jean-Paul Dubois est empreint d’humour. Les très courts chapitres indignent autant qu’ils nous font sourire voire rire. La plume de l’auteur est maîtrisée, fine et intelligente. Derrière elle, on ressent une certaine très mauvaise expérience mais aussi un très grand recul par rapport aux évènements vécus. Il faut toujours garder espoir quoiqu’il arrive.
Quelque chose me dit alors que ces gars-là étaient de vrais professionnels. Rien qu’à les voir manipuler leurs outils je sentais revenir en moi la confiance.
Parce que bien sûr, s’il est relaté ici de nombreuses expériences, Jean-Paul Dubois ne met pas tous les artisans dans le même panier. La roue finit par tourner, et les bonnes rencontres finissent par arriver. Et surtout, Paul Tanner relativise et apprend de ses erreurs et de ses choix (qui étaient finalement souvent dictés par budget pas assez conséquent pour mener à bien son projet)
On ne restaure pas Chenonceau avec un plan d’épargne logement.
Si j’avais ouvert ce livre quelques années en arrière, j’en aurai sans doute pleuré de désespoir. Mais les mauvaises aventures immobilières étant désormais derrière nous, j’ai pu sourire et même rire en tournant les pages de ce livre. Certains lecteurs pourraient se dire que certaines situations sont ubuesques, et pourtant. Je peux te dire que la plupart des situations décrites dans ce livre je les ai vécues. Du maçon, sans permis de conduire, qui n’a pas de matériel et à qui il faut fournir la bétonnière au peintre qui se fiche pas mal du travail de l’électricien et qui peint par dessus les repères de celui-ci. J’ai parfois eu l’impression que Jean-Paul Dubois avait été le témoin de nos mésaventures passées et qu’il se permettait de les raconter à ses lecteurs.
Il faut savoir que, dans le bâtiment, les corps de métiers se vouent un mépris aussi inexplicable qu’inextinguible. Le plâtrier tient le maçon pour un pouilleux et le plaquiste pour un escroc. Le chauffagiste regarde de haut le fumiste qui, lui-même, toise le jointeur. Quant à l’électricien, électron agaçant, il ne voit même pas le peintre, que, souvent, le carreleur rabroue. Le charpentier n’est qu’un primate aux yeux du menuisier que le couvreur tient pour quantité négligeable, tandis que le zingueur, albatros des toitures, raille le plombier, vague ratier de la tuyauterie.
Deuxième confidence, j’ai découvert Jean-Paul Dubois, juste avant que son dernier roman ne reçoive le prix Goncourt : j’ai trouvé ce livre dans le grenier chez ma sœur, je ne savais pas de quoi il s’agissait, mais le titre me plaisait. Cela a été une belle rencontre, c’est un auteur qui a su me séduire par la vérité qu’il raconte, et par l’humour qui entoure son écriture. C’est un auteur que je souhaite continuer à découvrir.
En bref, Vous plaisantez Monsieur Tanner, est le roman des déboires de la rénovation d’une maison, d’un chantier rocambolesque. Des chroniques à en devenir fou, mais aussi des chroniques à en rire à toutes les pages ! Une plume talentueuse, intelligente et divertissante. Un petit livre qui se dévore !