Je te dérange ? Tu n’avais qu’à fermer ton téléphone. Moi je suis debout depuis six heures alors…
Une femme au téléphone, Carole Fives
Editions Gallimard, collection l’Arbalète, 2017
Editions Folio, 2018 pour la présente édition
Présentation éditeur :
« Tu viens quand alors ? Bientôt quand ? Ton frère dit ça aussi mais je ne vous vois plus que pour Noël. Pourquoi tu ne demandes pas ta mutation ? Si vous viviez plus près, je vous inviterais à manger, j’irais chez vous faire le ménage. Si par malheur vous n’aviez plus d’argent, je m’occuperais de vous. Je pourrais même vous aménager la cave, y installer le chauffage pour l’hiver, elle est grande, vous auriez toute la place. Tatata, tu verras quand tu auras mon âge. Tu penseras à moi, à tout ce que je te disais. Tu diras, eh oui, maman avait raison et j’avais tort, et maintenant elle n’est plus là. Une mère, on n’en a qu’une, vous devriez en profiter « .
Charlène, la soixantaine, est restée jeune. Mais quand le vide l’envahit soudain, elle enchaîne les appels téléphoniques à sa fille. Mère touchante et toxique à la fois, elle l’atteint toujours là où ça fait mal.
***
Charlène a la soixantaine, mais elle est restée jeune. Dans sa tête, elle se prend pour une jeune fille. Mais dès qu’elle s’ennuie, ou que la solitude se fait trop ressentir, elle appelle sa fille. Souvent. Trop souvent. Parfois pour lui raconter ce qu’elle fait, parfois pour se plaindre ou être écoutée. Et surtout pour reprocher. Pour combler les vides de sa vie.
J’aimerais bien que tu m’appelles chaque jour, l’heure qui te conviendra, disons, quand je me réveille le matin, vers sept-huit heures, et le soir, quand je cafarde, vers cinq-six heures. La journée, je me dirais, tiens, ça va être l’heure de son coup de fil, et après avoir raccroché, je repenserais à ce qu’on s’est dit. Je ne te demande pas grand-chose, juste entendre le son de ta voix, même si tu ne me dis rien de bien passionnant. Pour toi, ce n’est rien, mais moi, ça m’aide ; je ressens vachement la solitude affective.
Charlène est l’une de ces mères divorcées, que la solitude envahit dès lors la retraite arrive et que les enfants vivent leur vie, et s’éloignent, géographiquement, ou autrement. Alors Charlène devient une mère toxique. D’état euphorique en état dépressif, les situations ou les propos qui au départ sont très touchants en deviennent lourds, et oppressants. Et quand la maladie la touche, ses appels se font de plus fréquents,les reproches fusent.
Allô ? Vous revenez quand ? Vous ne vous rendez pas compte ? Égoïstes ! Je suis là, je vais crever et, vous, vous allez travailler, vous voyez vos amis, comme si de rien n’était.
Ce court roman est présenté comme un long monologue. Carole Fives a fait le choix de nous livrer qu’une seule partie des conversations téléphoniques. On n’a pas les réponses de la fille de Charlène, mais on les imagine. On a de la peine pour elle, en même temps que pour sa mère. On ne peut que ressentir de l’empathie pour ces deux femmes. L’une harcelée par les appels intempestifs de sa mère, mais qui doit culpabiliser de ses remarques. Et l’autre qui souffre d’une grande solitude et qui traverse des épreuves difficiles loin de sa famille. Et qui parle plus vite qu’elle ne réfléchit.
Le style de Carole Fives est incisif. L’humour est présent aussi, presque à chaque page. Parce que si Charlène est agaçante, elle nous fait aussi rire. Certaines situations, certaines remarques sont grinçantes à la fois de vérité et de sarcasmes. Derrière la légèreté de certaines propos de Charlène à l’encontre de sa fille, se cache un profond mal-être, un grand isolement.
Écoute, ça t’apprendra à attendre quarante ans pour faire un gosse, nous on ne peut plus suivre, imagine, j’ai presque soixante-quatre ans. Tu as les grands-parents que tes ovaires méritent.
En bref, une femme au téléphone est un roman drôle et touchant à la fois. Un de ces livres qui dénoncent une grande solitude et un mal-être important mais toujours avec humour. Un très bon moment de lecture.
J ai beaucoup aimé tenir jusqu’à l’aube et ne connais pas celui-là
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j’ai justement envie de lire « tenir jusqu’à l’aube » aussi. j’ai beaucoup aimé la plume de Carole Fives !
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J’ai ADORÉ tenir jusqu’à l’aube
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Le premier Carol Fives que j’ai lu que j’ai beaucoup aimé, lu ensuite tenir jusqu’à l’aube …. Une auteure très observatrice du monde et en particulier du monde féminin 🙂
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Une auteure que je découvre seulement, mais je vais lire ses autres livres c’est certain !
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il m’a plu et donné envie de lire « tenir jusqu’à l’aube » 🙂
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Et tu as lu Tenir jusqu’à l’aube du coup ?
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pas encore, il faut que je le récupère à la bibliothèque
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