Les Dévorantes – Marinca Villanova

Le fennec intérieur se recroqueville, il se transforme en un crustacé qui referme ses pinces devant lui, s’accroche à son rocher pour mieux lui ressembler, se camoufler, n’est plus qu’un élément marin parmi les autres, indifférent et semblable, il apparaît dissimulé aux regards, se laisse légèrement ballotter par l’écume des vagues, dans une apparente tranquillité qui le protège des éventuels prédateurs.

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Les Dévorantes, Marinca Villanova
Eyrolles Romans, 2019

Présentation éditeur :

1942, Emma est enceinte, loin des siens. Elle imagine un petit garçon loyal et digne comme son père. Mais c’est une fille qui arrive, une enfant difficile qu’elle a du mal à aimer.

1981, Angèle ne se sent pas l’âme d’une mère, elle ne sait comment faire avec cette fillette maigre et terne qui encombre son quotidien, ce petit animal effrayé dont il faut bien s’occuper.

2004, Karine vient d’accoucher. Elle se dit qu’elle devrait ressentir un amour océanique pour son bébé. Mais rien ne vient.

Emma, Angèle, Karine. Trois filles, trois mères, trois générations. De l’une à l’autre, les composantes de la maternité se transmettent dans une haine calfeutrée, mais agissante. L’absence d’amour prend toute la place, se tisse dans le quotidien de l’enfance et s’installe, implacablement, résonnant jusque dans les relations amoureuses ou amicales. Les mères refusent leurs filles, et ce rejet inaugural, loin de les séparer, les lie solidement en une longue chaîne qui traverse le temps. Comment cesser d’être dévorée ? Comment cesser d’être une dévorante ?

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Lecture commune avec ma copine Liseusehyperfertile (qui n’a pas du tout le même avis que moi sur ce livre !

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Emma, Angèle, Karine. Trois femmes, trois générations. La grand-mère, la mère, la fille.

Emma a accouché d’Angèle quand elle habitait au Maroc. Dès le début, le lien ne s’est pas fait. La fusion n’a pas fonctionné. Emma n’arrivait pas à s’occuper d’Angèle. Ni à l’aimer.

Ce secret prend toute la place, en une bouillie informe qui fait lien entre elles.La mère ne peut pas aimer l’enfant. Comment fait-on dans ces cas-là ? Vers qui se tourner ? C’est une chose indicible, inacceptable. L’enfant et la mère se sentent mal ensemble. Qui a commencé ? Comment l’expliquer ?

Dès lors rien n’est simple dans cette famille dans laquelle l’instinct maternel est absent. L’amour maternel ne s’exprime pas. Il est absent. La maternité se transforme en une montagne insurmontable. Jusqu’à engendrer de différentes manières la souffrance de celle qui donne la vie et de celle qui naît.

Alors, quand Angèle est devenue mère à son tour, elle reproduit le schéma. L’amour pour Karine ne se manifeste pas. Et Karine ne trouve pas sa place dans ce foyer familial abandonné par le père. Ce foyer où Angèle décide de tout. Angèle a même installé sa fille dans la salle de bain pour pouvoir louer sa chambre à des étudiants. Ainsi, Karine dort près de la baignoire. Parce qu’Angèle contrôle la vie des autres. Elle ne peut vivre sans avoir l’impression de les posséder.

Karine n’ose pas insister de peur qu’Angèle, telle une déesse capricieuse, d’un simple mouvement de son sceptre mécontent, la disgracie. On adore une déesse, on ne la conteste pas.

Car Angèle est une femme manipulatrice. Elle vit au travers des autres, les conseille, ordonne. Elle vit sa vie par procuration. Et elle en oublie de vivre pour elle. Impression de puissance, de pouvoir pour un cas de solitude extrême finalement.

Dans Les Dévorantes, les personnages ne sont pas attachants. Ces trois femmes sont froides, tristes. Elles ne s’épanouissent pas dans leur existence. Mais l’intérêt du roman réside justement dans cette facette de leurs trois personnalités. Leur famille est dysfonctionnelle. Les liens maternels sont brisés. Ils n’ont jamais vraiment existé.

Et d’ailleurs, quand Karine devient mère à son tour, elle n’arrive pas à être la mère qu’elle voudrait. Elle aurait tellement voulu être différente de sa mère. Alors, elle pense trouver l’équilibre dans l’éloignement. Comme Angèle qui est partie loin d’Emma, Karine s’en va. Construire sa propre vie loin de la cellule maternelle semble un remède dans un premier temps.

Comment savoir qu’on aimera être mère avant d’essayer ? Personne ne lui a rien dit à ce sujet, est-ce que c’est pareil pour toutes les mères ? Bien sûr, c’est le lot des femmes de ne pas souhaiter tous les enfants qu’elles ont.

Les Dévorantes, c’est véritablement le roman d’une maternité loin d’être évidente. Une maternité qui engendre de la souffrance. Des femmes qui dévorent les autres et grignotent leur bonheur.

Elles formaient ce trio imaginaire de reproduction de la haine.

J’ai beaucoup aimé l’écriture de Marinca Villanova. Sa plume est sensible et poignante. Elle transmet les émotions. De ses mots transparaissent la tristesse et le mal-être. La détresse même peut-être. Qu’il est difficile d’être mère. L’instinct maternel ne vient pas dès lors qu’on est une femme. Marinca Villanova décortique cet aspect de la maternité souvent tu. Et elle analyse la reproduction du schéma génération après génération : quand le lien se brise entre mère et fille dès la naissance.

En bref, Les Dévorantes, c’est un roman qui explore les difficultés de l’amour maternel, et les souffrances que ces femmes s’infligent à elles mêmes et aux autres. Un roman à la plume fine et délicate qui m’a beaucoup touchée.

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Un exemplaire est en jeu sur mon compte Instagram. Participations ouvertes jusqu’à samedi 25/05/2019 à 23h59

Concours les dévorantes

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