Celle qui s’enfuyait, Philippe Lafitte

Deux cents kilomètres, trois heures de route. C’était la distance, le mur invisible qui la protégeait de tout. Elle se regarda dans le rétroviseur central avant de démarrer. Son front perlé de sueur. Une virgule d’or dans son œil droit.

celle qui s'enfuyait

Celle qui s’enfuyait, Pierre Lafitte, Grasset, 2018

Résumé éditeur :

A l’aube, dans un paysage désert et envoûtant, une femme court. Elle vient d’échapper de justesse à un coup de fusil. Isolée volontaire dans une des régions les plus reculées de France, Phyllis Marie Mervil, afro-américaine, est l’auteur de polars à succès. Solitaire jusqu’à la sauvagerie, prête à tout pour préserver son anonymat, elle a quitté l’Amérique en 1975, emportant avec elle un mystère qui, depuis, n’a cessé de la hanter. Phyllis sait qu’elle est poursuivie et, murée dans son secret, elle ne peut compter que sur elle-même.Qui est cet homme invisible qui la traque comme une ombre, se rapprochant de jour en jour  ? Quel drame commun ont-ils vécu dans les années 70, époque terrible où l’Amérique se déchirait sur la question des droits civiques? Acculée, Phyllis saura-t-elle se retourner et faire face ou choisira-t-elle, une fois encore, de fuir ? Thriller psychologique, Celle qui s’enfuyait est aussi un roman d’atmosphère sur fond de vérité historique. Sous la tension d’une menace permanente,  on y découvre des êtres au passé trouble, qui se cherchent et se croisent, s’aiment et se perdent. Se dessine un paradoxal éloge de la fuite, quand le désir éperdu de liberté peut devenir un enfermement, et la culpabilité un refrain impossible à oublier. La vraie menace viendrait-elle de l’intérieur ?

***

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Grasset et Netgalley pour l’envoi de cet ebook.

Celle qui s’enfuit, c’est Phyllis Marie Mervil. Elle a une soixantaine d’années, est afro-américaine. Elle vit, seule, dans une ferme isolée de la campagne du sud de la France. Par choix, elle n’a que très peu de contact avec les gens des environs, elle se méfie de ce qui l’entoure. Elle a aussi un amant, qu’elle ne voit que rarement, seulement quand elle en ressent le besoin. Mais surtout Phyllis est auteure à succès de polars. Elle se lève toutes les nuits très tôt pour écrire, avant d’aller courir avec son chien, chaque jour. Toujours sur ses gardes.

Comme chaque nuit elle était réveillée dès trois heures du matin, le temps des vrais insomniaques. Chaque nuit elle quittait le territoires des rêves d’un claquement de porte derrière la nuque, et c’était toujours le même arrachement, les yeux rivés au plafond, une tache indéfinie d’ombre mouvante, point d’appui nécessaire à travers les eaux refluantes du sommeil.

Le roman s’ouvre un matin. Phyllis court avec son chien, quand celui-ci est soudain abattu. On l’a retrouvée. Sa planque a été découverte. Phyllis va-t-elle continuer à fuir ? ou enfin affronter son passé ?

Elle comprenait, maintenant. Elle comprenait que ça allait recommencer.

Philippe Laffite nous transporte du passé au présent de Phyllis, sans aucune explication. C’est au lecteur d’imaginer, de remettre les évènements dans l’ordre, de reconstituer le puzzle de la vie de Phyllis, pour tenter de comprendre ce qu’elle s’efforce de fuir.

Elle n’avait qu’une envie : fuir sans se retourner. Comme elle l’avait toujours fait.

L’écriture a un rôle très important dans le quotidien et la survie de Phyllis. C’est ce qui rythme ses jours et ses nuits. Elle s’inflige un emploi du temps drastique, indispensable pour tenir et continuer d’avancer dans cette fuite à la culpabilité et à la violence qu’elle espère avoir laissé de l’autre côté de l’Atlantique. Ainsi, on comprend qu’elle ne s’octroie que peu de liberté dans cette vie réglée comme du papier à musique pour ne jamais baisser son attention.

A mesure qu’elle avançait dans la description de la scène, la femme écrivain s’était recroquevillée, courbée sur son cahier, repliée en elle-même, se battant ligne après ligne pour trouver les mots qui exprimeraient au plus juste le dilemme du personnage : maîtriser sa peur pour se jeter dans un inconnu plus terrifiant encore, symbolisé par ce passage sordide où l’inspectrice n’avait pas d’autre choix que de se précipiter.

Si le sujet de ce livre est intéressant, et le style de l’auteur agréable à lire, le rythme du roman est quant à lui lent, très lent, trop lent. Peut-être et sûrement à l’instar de cette longue fuite qu’a entrepris l’héroïne une quarantaine d’années plus tôt. L’auteur prend son temps pour nous livrer la vie de Phyllis, et surtout insister sur cette lourde et infinie solitude qui fonde sa vie. Chaque mot est choisi avec soin, chaque longue phrase, chaque paragraphe, chaque chapitre contribuent à cette impression d’ambiance très pesante et de fuite qui dure, qui ne s’arrêtera jamais.

Elle revoyait la scène de la femme flic pénétrant dans le tunnel sordide. Par réflexe professionnel elle s’exerçait à ressentir le corps tendu par la peur – aux antipodes de son propre corps relâché -, image du tueur se jetant sur elle mêlée à celle de Paul la renversant sur le sofa, poigne du meurtrier sur sa gorge et celle de l’amant enserrant sa nuque, deux âmes enlacées qui se débattaient dans les râles et les cris, le visage de l’assassin hors de lui et celui de Paul jouissant en elle, leurs pupilles dilatées face à face, explosion de violence et spasmes de plaisir, chair à l’agonie sur le sol et pantins désarticulés sur le carré de tissu froissé.

Mais finalement, cette atmosphère pesante, où Phyllis n’est jamais sereine, n’aura pas su conserver mon attention. Je me suis perdue dans ce rythme lent, dans ces fréquents allers-retours du passé vers le présent. Et c’est bien dommage, car le style de Philippe Lafitte est vraiment très plaisant et original dans les tournures de phrases.

En bref, Celle qui s’enfuyait est un roman qui n’a pas su me convaincre mais qui je pense plaira aux amateurs de romans lents, de romans dans lesquels on prend le temps mais aussi aux amateurs de jolis mots et de belles phrases.

 

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