Une famille, Pascale Kramer

Merde, Romain, se dit-elle en sentant monter une triste déception dont on ne serait donc jamais délivré.

une famille 3Une famille, Pascale Kramer, Flammarion, 2018

Résumé éditeur :

Peut-on empêcher quelqu’un de se détruire ? Cela fait presque trente ans que ses parents comme son frère et ses sœurs ressassent cette question et tentent, chacun à sa façon, de sauver Romain de lui-même. Ce fils, ce frère à la si déconcertante gentillesse s’est patiemment abîmé, bouleversant malgré lui la vie de toute la famille. Et aujourd’hui, alors que sa sœur vient d’accoucher, tous découvrent que Romain a de nouveau disparu.
Pascale Kramer met admirablement en scène les relations fraternelles et filiales en offrant tour à tour la parole aux membres d’une famille aux prises avec l’énigme que constitue l’un des leurs.

***

Une famille est ma deuxième lecture dans le cadre du coup de cœur des lectrices Femina, une auteure que je ne connaissais pas ! Et pourtant Pascale Kramer a reçu l’an passé le Grand Prix suisse de littérature pour l’ensemble de son œuvre.

C’est l’histoire d’une famille où rien n’est naturel dans les relations fraternelles et filiales. C’est une famille disloquée, qui subit le comportement de Romain le fils aîné, un être pourtant si gentil et généreux mais un être dont la souffrance est plus forte que le reste. A l’occasion de la naissance du deuxième bébé de Lou, l’une des sœurs, la famille se retrouve et découvre que Romain a à nouveau disparu… Pascale Kramer nous livre l’histoire de cette famille en cinq parties, cinq points de vue.

Au fil des pages on se rend compte que finalement, c’est une famille complètement déchirée, qui ne communique que très peu, ou alors deux par deux, jamais tous ensemble. Les informations circulent doucement, ou pas, d’un membre à l’autre. Une famille qui manque d’union, mais une famille qui cherche à émerger. Chacun tente, de son côté d’être heureux, de préserver les autres. Mais ce qui semble être une bonne intention n’est finalement peut-être que le début de secrets, de non-dits, d’incompréhension les uns envers les autres. C’est une famille où l’on n’a pas l’habitude des confidences, de partager ses émotions avec l’autre, on tait ses sentiments, on est pudique, une famille où les liens sont sur le point de rompre.

Le crâne était à peine couvert d’un duvet transparent, le dessin et la légère dépression de la fontanelle y étaient parfaitement visible. Olivier y apposa sa paume, troublé qu’il soit ainsi donné d’effleurer une âme. Il ne savait nommer l’émotion qu’il ressentait. Ce n’était rien de véritablement agréable, mais d’une telle intensité.  Quelque chose à quoi il ne lui était pas possible de se confronter longtemps et qui lui rendait si impénétrable la patience des mères soumises à ces êtres aveugles, d’une vulnérabilité absolue.

Tour à tour, Olivier le père, Mathilde la petite dernière, Edouard le frère, Danielle la mère, et Lou l’autre sœur vont nous distiller des informations, on va comprendre petit à petit le mal qui ronge Romain, ce membre de la famille qui les unit et les éloigne à la fois. Romain, ce frère, dont l’entrée dans la vie n’a pas été facile, Romain, ce frère si fragile, qui a besoin des autres et qui en même temps les fuit. Romain, ce personnage qui restera un mystère pour tous, sa famille et le lecteur. Romain ce personnage central du roman mais absent à chaque instant.

En fait Romain avait toujours fait ça, se dit-il : déposer un peu de sa misère auprès de chacun d’eux, juste  ce qu’il les savait capables de supporter sans qu’il ait à subir leur trop grande sollicitude.

Une famille, c’est le roman d’une famille mi-catholique mi-chaotique, une famille qui souffre et qui finalement n’est heureuse que dans l’éloignement, quand les problèmes sont loin des yeux. Cela n’empêche pas les tracas, mais cela permet d’avancer chacun de son côté. Mais Une famille c’est aussi, l’histoire d’une famille qui malgré le nombre de ses membres souffre de solitude. Les amis fuient ce malheur, cela fait peur, on ne sait pas comment aborder une famille qui a ce genre de problèmes, alors on s’en éloigne, involontairement.

Cela aurait l’occasion de le faire, se dit-elle, se reprochant de ne pas oser, tout comme personne ne s’était jamais autorisé à leur parler de Romain pendant les années où ils avaient été sans nouvelles. Par discrétion, songea-t-elle, les gens nous laissent seuls avec nos malheurs.

Le style et la construction du roman donne de l’ampleur au récit. Il n’y a aucun dialogue, à l’instar de cette famille qui a perdu l’aptitude à communiquer. On a le temps de s’imprégner de l’ambiance, de la tristesse, de l’impuissance de Danielle, Olivier, Edouard, Lou et Mathilde à porter assistance à Romain.

Une famille, c’est un roman que je conseille si vous aimez les histoires de familles dysfonctionnelles, où rien ne coule de source, où la communication n’est pas leur force mais où l’amour est là, indéniablement. Une famille où le bonheur pourrait être présent si l’on prenait les petites joies comme elles viennent et qu’on profitait de chaque instant ; mais où à l’inverse, ce sont les membres qui la composent, qui sont absents de ce bonheur potentiel, à s’inquiéter pour l’un des leurs qui se détruit.

Nous sommes en train de passer à côté de nos petits-enfants, se dit-elle, nous sommes grands-parents comme nous avons été parents, jamais complètement présents au bonheur.

une famille

 

 

 

 

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